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    30ème anniversaire du Printemps berbère

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    30ème anniversaire du Printemps berbère Empty 30ème anniversaire du Printemps berbère

    Message par FEDERER Mar 20 Avr - 7:50

    La Kabylie s’apprête à commémorer aujourd’hui le 30ème anniversaire du printemps berbère. Le 20 Avril 1980 reste pour la région un repère fondamental. C’est à partir de cette révolte citoyenne encadrée par une jeune élite d’après-guerre que la question identitaire et des libertés démocratiques est posée publiquement et de manière pacifique.
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    30ème anniversaire du Printemps berbère Empty Le Printemps amazigh : Un message de tolérance et de liberté

    Message par PHOENIX Mar 20 Avr - 8:45

    Les festivités qui sont organisées chaque année autour de cet événement, en particulier dans les universités de Tizi Ouzou, de Béjaïa, de Boumerdès et d’Alger, démontrent, s’il en est, que malgré les tentatives de pollution qu’il subit, le message du Printemps amazigh demeure intact et continue d’être porté par une population qui lui est restée fidèle.


    Faut-il rappeler que ce mois d’avril 1980 a vu naître, à l’ université de Tizi ouzou, un mouvement de contestation pacifique dont l’origine était l’interdiction par le pouvoir de Chadli d’une conférence que devait y tenir le défunt Mouloud Mammeri ? Les étudiants et des enseignants avaient décidé d’un commun accord d’organiser la protestation. « Que la conférence ait lieu ou non, nous marcherons », avaient-ils convenu, pour bien signifier leur détermination à lutter pour la promotion des langue et culture amazighes et pour l’émancipation des libertés démocratiques. L’université de Tizi Ouzou avait quitté ses remparts. Est arrivé ce qui devait arriver : toute la Kabylie, on s’en souvient, s’était soulevée pour soutenir les étudiantes et les étudiants agressés par les forces de la répression qui avaient investi dans la nuit les cités universitaires.

    Grèves générales et marches, ponctuées par les expéditions punitives des services de police et de la gendarmerie, avaient fait le quotidien des citoyens de la région durant plusieurs semaines. 24 animateurs du mouvement avaient été arrêtés, et n’était la mobilisation sans faille de la population, les détenus risquaient la peine capitale pour cause d’« atteinte à la sûreté de l’Etat ».

    Une campagne de désinformation et de diabolisation de la Kabylie avait été, durant cette période, orchestrée par les médias gouvernementaux. Le quotidien El Moudjahid et la télévision, particulièrement zélés, avaient notamment accusé les 24 détenus de « porter atteinte à l’unité nationale » et d’être des « agents à la solde de l’ennemi extérieur ». Ces accusations, au demeurant récurrentes depuis le recouvrement de l’indépendance du pays, n’avaient pas eu l’effet attendu sur le peuple algérien, et la population de la région — qui avait immédiatement adhéré aux revendications du mouvement — avait soutenu sans faille les prisonniers. Etaient en effet présentes dans l’esprit de chacun les « affaires » des poseurs de bombe et de Cap Sigli. Des provocations organisées en ce temps par le régime au pouvoir pour détourner l’attention de l’opinion publique des luttes de clans qui agitaient le sérail et des dissensions et règlements de comptes qui se jouaient au sommet de l’Etat.

    A chaque fois que des voix s’élèvent pour demander plus de liberté et de démocratie et que le pouvoir craint pour sa survie, il crie au complot de la main étrangère. Si les voix qui s’élèvent proviennent de Kabylie, le travail de propagande n’est que plus aisé. Le mouvement d’avril 1980 était donc une nouvelle occasion pour agiter l’épouvantail des « ennemis intérieurs et extérieurs » de la nation et pour désigner au peuple algérien les Kabyles comme une menace pour l’unité nationale.

    Le péril séparatiste

    Le mouvement d’avril 1980 — dont les revendications fondamentales étaient les libertés démocratiques et la reconnaissance de la culture amazighe — avait suscité l’adhésion populaire spontanée dans la région parce qu’il était pacifique et juste et parce qu’il avait conditionné sa légitimité à la volonté de ses animateurs d’affirmer sans équivoque sa filiation avec l’histoire du mouvement national et le combat libérateur de la nation. Le mouvement du printemps 1980 avait puisé sa force de sa détermination à inscrire son action dans la continuité des messages de Novembre 1954 et des résolutions du Congrès de la Soummam. La référence aux aînés — qui ont affirmé à l’occasion de la crise berbériste de 1949, l’amazighité de l’Afrique du Nord et qui ont, dans l’organisation administrative de l’Algérie combattante, résolument défendu la spécificité kabyle de la Wilaya III — avait été le socle sur lequel la génération du Printemps amazigh avait amarré son combat pour la promotion de l’identité algérienne (arabe algérien et tamazight) et pour l’émancipation des libertés démocratiques.

    Le profond désir de s’approprier les valeurs qui ont constitué les fondements du combat libérateur des aînés a donné, sans aucun doute, toute sa signification et tout son sens au Printemps amazigh : un mouvement généreux et d’essence patriotique. C’est pourquoi il a sonné le glas du parti unique, et c’est pourquoi il a survécu à toutes les manipulations du pouvoir qui n’a pas, au jour d’aujourd’hui, renoncé à en venir à bout. Occulter l’esprit et la lettre du Printemps berbère, minimiser sa portée, mais surtout le dépouiller de l’important impact qu’il a pu avoir sur la vie politique nationale : ce sont-là les principaux objectifs du pouvoir. Le Mouvement culturel berbère (MCB), né de la désobéissance civile — parce que c’en était une — de ce mois d’avril 1980, a résisté à l’oubli.

    Sa présence dans l’esprit de chacun oppose à ce jour un démenti à tous ceux qui souhaitent que les citoyens de Kabylie cessent de croire et abandonnent la position d’avant-garde de leur région dans la revendication identitaire et des libertés démocratiques. Les festivités qui sont organisées chaque année autour de cet événement, en particulier dans les universités de Tizi Ouzou, de Béjaïa, de Boumerdès et d’Alger, démontrent, s’il en est, que malgré les tentatives de pollution qu’il subit, le message du Printemps amazigh demeure intact et continue d’être porté par une population qui lui est restée fidèle. Pour autant, au lendemain du tragique « Printemps noir de Kabylie », le pouvoir a été tenté de manipuler, une fois de plus, le projet émancipateur d’avril 1980. L’explosion de violence, légitime, il faut le souligner, qui a suivi l’assassinat du jeune Massinissa, a réveillé les vieux démons de la pensée unique qui a trouvé là une nouvelle occasion pour exploiter le mécontentement populaire par plus de provocation.

    Les propos du ministre de l’Intérieur — qui a traité de voyou le lycéen assassiné en avril 2001 à l’intérieur de la brigade de gendarmerie de Beni Douala — ont jeté de l’huile sur le feu et accentué la colère et l’indignation de toute la population. L’assassinat ensuite par les forces de la Gendarmerie nationale de 126 jeunes et la mutilation de milliers d’autres ont failli précipiter la région dans l’irréparable. Aujourd’hui encore, nous sommes en droit de nous interroger sur les causes réelles qui ont amené à cette tragédie. Un jeune lycéen abattu dans les locaux de la gendarmerie, comment ? Pourquoi ? En tout état de cause, une provocation de plus.

    L’extraordinaire mobilisation populaire qui s’en est suivie a d’autant plus effrayé le pouvoir qu’elle a naturellement inscrit son action dans la continuité du Printemps berbère. Nous étions en effet en avril, une date anniversaire chargée de symboles. Le pouvoir ne l’avait pas oublié. Il fallait donc empêcher au plus vite le message du Printemps 1980 de resurgir dans les mémoires et de servir de combustible à la révolte du printemps noir de Kabylie. Les manœuvres et pressions, qui ont été exercées sur quelques animateurs de la révolte, avaient pour objectif ce dessein. Le sens du mouvement citoyen a été pour un moment dévoyé. Certains animateurs ont non seulement activement empêché l’établissement du lien entre les deux événements — avril 1980 et 2001 —, mais ils ont de plus tenté de substituer le second au premier afin de briser le lien symbolique de filiation qui existe entre les deux événements.

    Une erreur qui les a naturellement rendus suspects aux yeux de la population de la région. Par ailleurs, ils se sont violemment attaqués aux partis politiques de l’opposition démocratique. Ils ont vilipendé et jeté l’anathème sur leurs militants, dont certains ont été des animateurs incontestables du Printemps 1980. Parce qu’elles n’ont pas, pour la plupart, vécu avril 1980 et qu’elles sont montées tardivement dans le train de la contestation d’avril 2001, ces personnes se sont érigées en porte-parole uniques de la culture amazighe et de la démocratie. Elles se sont investies, avec une ardeur suspecte, dans la mission de purification de la région, et voulaient être seules sur la place.

    Une agressivité qui dissimulait mal l’impatiente ambition à écarter les concurrents potentiels et témoignait de l’impérieux désir de se poser en unique alternative. Des personnages alliés objectifs et inespérés d’un pouvoir qui a bien sûr saisi cette opportunité pour diviser les aârchs dialoguistes et non dialoguistes… chacun s’en souvient. Souiller la vie politique de la région en ajoutant à la confusion et fractionner les énergies pour amoindrir sa combativité, entraver la transmission du message d’avril 1980 aux jeunes générations. Le pouvoir n’a pas été avare de moyens ; pour ce faire, il s’est méthodiquement appliqué à effacer cet événement (avril 1980) pour empêcher que la conscience populaire n’établisse un lien de filiation entre le Printemps amazigh et le Printemps noir.

    Les événements d’avril 2001 ont constitué une aubaine, une opportunité toute trouvée pour accomplir ce dessein et faire d’une pierre deux coups. Réduire, d’une part, le Printemps noir à une émeute violente qu’il faut disqualifier aux yeux d’une population algérienne — déjà traumatisée par une décennie de terrorisme — et en faire une sédition qu’il faut réduire par la force. Minimiser, d’autre part, la vigueur et la portée du message pacifiste du printemps berbère en neutralisant les animateurs qui l’ont porté et en les remplaçant, notamment, par des individus acquis. Il faut donc gommer de la mémoire collective des « témoins gênants », grâce auxquels ce lien filial peut se transmettre.

    Un objectif qui a failli aboutir

    Avril 1980 a été certainement un tournant décisif dans l’histoire de l’Algérie indépendante, une Algérie où était exigé de la société, trois décennies durant, d’émarger sous l’article 120 pour seulement s’organiser. Le pouvoir a compris que l’effondrement de sa toute puissance est venu de ce mouvement, le Printemps amazigh. Les convulsions qui ont émaillé par la suite, la vie sociale et politique de la nation, ont accentué son inquiétude. Il a dès lors régulièrement travaillé à prendre en charge toutes les contestations qui ont secoué le pays par la brutalité et la répression ou par l’infiltration et la manipulation, et le plus souvent par les deux. Octobre 88 et avril 2001 en ont « fait les frais ».

    Incontestablement, le printemps amazigh a été un précurseur

    La première organisation des enfants de chouhada et l’Union médicale algérienne (UMA) — non-affiliée à l’organisation centrale — sont nées à Tizi Ouzou, à la suite du Printemps 1980. L’une et l’autre se sont émancipées de l’article 120 qui mettait dans l’obligation toute organisation sociale ou professionnelle de se mettre sous la houlette du parti unique, le FLN. La première Ligue des droits de l’homme est née également dans le prolongement de la contestation du Printemps amazigh. La Cour de sûreté de l’Etat avait été à nouveau réveillée et un procès avait eu lieu à huis clos à Médéa, c’était en 1985.

    Les initiateurs de cette ligue, pour la plupart des personnes impliquées dans le mouvement d’avril 1980, avaient été incarcérés dans la prison de Berrouaghia, puis jetés dans le pénitencier de Tazoult-Lambèse. Trente années ont passé depuis, et même si beaucoup de chemin reste à parcourir, l’Algérie a sans conteste gagné en liberté. Elle s’est émancipée de la pensée et du parti uniques, une avancée considérable. Quant à l’identité amazighe, elle est toujours frappée d’ostracisme : une langue devenue nationale, mais que le régime ne veut surtout pas officielle ; un HCA (Haut commissariat à l’amazighité) alibi, qui n’a aucun moyen et aucune prérogative pour promouvoir les langue et culture amazighes ; un enseignement de tamazight voué à l’échec parce que son destin a été volontairement lié à celui de la langue arabe. On ne sait pas encore, en effet, comment transcrire la langue amazighe : en caractères universels ou en caractères arabes, même si le choix des pouvoirs publics est déjà, sans être avoué, porté sur le second. Et pour cause, la quatrième chaîne de télévision transcrit le tamazight en caractères arabes…

    Des raisons qui doivent conforter les militants de la cause dans la poursuite de leur combat

    Le Printemps amazigh n’est ni raciste ni séparatiste, il est porteur de valeurs de tolérance et de liberté, quand bien même on continue, encore aujourd’hui, à l’agiter comme un danger pour la cohésion de la nation algérienne. Le Printemps amazigh est un hymne à la démocratie et à l’émancipation pleine et entière du citoyen. Il a été, et est toujours, intentionnellement occulté par le pouvoir pour amoindrir sa portée ; aidé en cela, il faut le souligner, par des analystes de la vie sociale et politique et par des intellectuels qui refusent toujours de voir dans le Printemps amazigh un précurseur et un espoir.

    Les manifestations traditionnelles, qui entourent l’anniversaire de cet événement, ont, il est vrai, perdu un peu de leur vigueur, sans doute parce que la revendication identitaire a faibli face au combat politique qui a prévalu depuis l’ouverture démocratique de 1989. La constance de la célébration annuelle du Printemps amazigh montre toutefois que le message d’avril 1980 est imprimé dans la conscience collective et qu’il est, malgré tout, porté par les plus jeunes générations, celles qui ne l’ont pas connu. Parce que son combat est fécond, la Kabylie a confiance dans son avenir.

    Les valeurs — qui ont été à l’origine de la contestation de ce mois d’avril 1980 et qui ont nourrit l’engagement de ses militants — ne doivent cependant pas être otages de l’idéologie, comme elles ne doivent pas également être prisonnières des seuls rituels annuels, sans doute stérilisants. La pérennité des valeurs qui ont fondé le message du Printemps amazigh dépend de la capacité des citoyens de la région à dépasser leurs différends et à créer ensemble la dynamique d’union qui va garantir l’indispensable continuité de la transmission de l’héritage d’avril 1980 aux générations suivantes : une exigence historique, un gage pour sa survie.

    Dr M. B. : Psychiatre, député du RCD




    Par Dr Mahmoud Boudarène (El Watan)
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    Message par PHOENIX Mar 20 Avr - 8:49

    30ème anniversaire du Printemps berbère Dilem
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    Message par FEDERER Mer 21 Avr - 7:49

    30ème anniversaire du Printemps berbère Dilem
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    Message par PHOENIX Sam 1 Mai - 8:11

    Avril 1980, université de Tizi Ouzou : Qui a donné l’ordre de déclencher la répression ?

    http://www.elwatan.com/local/cache-vignettes/L200xH115/arton157917-5f8b0.jpg

    A l’occasion de la sortie, mi-avril, de l’ouvrage collectif Avril 80 (coordonnée par Arezki Aït Larbi, éditions Koukou), deux acteurs majeurs de l’appareil sécuritaire de l’époque, l’ancien DGSN, El Hadi Khediri, et le chef de sûreté de Tizi Ouzou en 1980, Hamimi Naït Abdelaziz, confrontent leurs versions. Comment s’est décidée l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri ? Qui a donné l’ordre d’évacuer l’université frondeuse de Tizi Ouzou ce 20 avril 1980 ? Y a-t-il eu des parasitages des ordres ? Trente ans après la répression en Kabylie et ailleurs des manifestants, les faits historiques nourrissent encore le débat.




    Hamimi Naït Abdelaziz. Chef de la sûreté de la wilaya de Tizi Ouzou (1977- 1984) : « Khediri ne voulait pas se compromettre »

    Dans le livre-témoignages qui vient de sortir, Avril 80, l’ancien directeur général de la sûreté nationale, El Hadi Khediri, affirme vous avoir « donné l’ordre de suspendre l’évacuation du centre universitaire de Tizi Ouzou, mais quelques heures plus tard, l’ordre d’évacuer vous a été donné par un autre canal ». De quel « canal » s’agit-il exactement ?


    Je tiens à préciser que je réfute catégoriquement les allégations de l’ancien DGSN, El Hadi Khediri, mon supérieur en 1980. Khediri a décidé de me muter à Tizi Ouzou en 1977, sous de faux prétextes, dans le but d’« assainir la Kabylie, car elle était le berceau des problèmes politiques », comme il se disait à l’époque dans les sphères sécuritaires. Mais connaissant cette région où je suis né, je savais pertinemment qu’il n’y avait aucun problème politique, excepté quelques tentatives d’expression berbère considérées, à l’époque, comme taboues. Le jour de la conférence que devait donner le professeur Mouloud Mammeri au centre universitaire de Tizi Ouzou, (le 10 mars 1980), j’ai appelé mon supérieur, El Hadi Khediri, afin de l’informer, car s’agissant de la culture berbère, interdite d’expression l’époque, j’ai pensé qu’il fallait signaler cet événement, car on risquait de l’interdire. Et c’est ce qui s’est passé.

    Mais qui a donné l’ordre d’interdire la conférence de Mouloud Mammeri ?

    Lorsque j’ai contacté Khediri, je lui ai dit : « Vous qui êtes proche du président de la République (Chadli Benjedid), faites en sorte que Mammeri donne sa conférence, sinon la situation sera incontrôlable. » J’ai tenu les mêmes propos au wali de Tizi Ouzou, Hamid Sidi Saïd. A ce moment-là, Khediri m’a demandé d’intercepter Mammeri à Draâ Benkhedda pour, soi-disant, le conduire au wali dans le but de lui demander d’essayer de calmer les esprits. Par la suite, j’ai appris que la conférence a été interdite sur ordre du wali. C’était trop tard. Mais cette décision n’était pas uniquement l’œuvre du wali, car ce dernier était manipulé par le mouhafedh Bourezem, du FLN, également président du bureau de coordination de la wilaya de Tizi Ouzou. Le wali avait des pouvoirs discrétionnaires dont il n’a pas usé, préférant obéir aux instructions du FLN. J’ai essayé à plusieurs reprises de contacter le DGSN Khediri. En vain. Il ne répondait pas à mes appels parce qu’il ne voulait pas se compromettre. Il avait sous-estimé la situation.

    Qui a décidé de l’évacuation du centre universitaire ?

    Jusqu’au soir du 19 avril, j’ignorais que l’université allait être évacuée. Mais tard dans la nuit, Khediri m’a téléphoné pour me demander d’intercepter les membres du bureau de coordination de Tizi Ouzou qui venaient de quitter Alger, porteurs d’instructions concernant l’évacuation de l’université. Il fallait que je dise au wali de ne rien entreprendre avant de lui communiquer de nouvelles instructions émanant du président Chadli. J’ai transmis ce message au wali, en présence du mouhafedh. Ce dernier s’est aussitôt saisi du téléphone pour rendre compte à sa hiérarchie - la direction du parti - puis a passé le combiné au wali pour parler avec les responsables du FLN.

    Après avoir raccroché, le wali a téléphoné à Khediri pour l’informer que l’ordre d’évacuation de l’université venait d’être confirmé par « l’autre canal », en l’occurrence le FLN. J’ai voulu défendre la thèse du report de l’évacuation en expliquant que, matériellement, je n’étais pas prêt pour l’opération. Sans succès. Devant ma prise de position pour reporter l’évacuation, le bureau de coordination a eu l’idée de remplacer la police par la Gendarmerie nationale. J’ai à mon tour contacté ma hiérarchie afin de l’informer que « l’autre canal » a pris la décision d’évacuer le campus universitaire. Je n’ai eu aucun commentaire de Khediri.

    Ce même responsable, aujourd’hui, parle de torture. A ce propos, je tiens à préciser que la police n’a jamais pratiqué ce genre d’acte, du moins du temps de mon service. D’ailleurs, après avoir reçu les trois unités des compagnies nationales de sécurité (CNS) envoyées d’Alger par le DGSN, j’ai pris la décision de les désarmer à son insu afin d’éviter le pire. La catastrophe a été, heureusement, épargnée grâce aux négociations que nous avons entreprises avec les étudiants, sans l’intervention de Khediri, qui était à Alger, ni du wali, ni du mouhafedh réfugié dans une caserne militaire.


    --------------------------------------------------------------------------------

    »El Hadi Khediri. Directeur général de la sûreté nationale (1977-1987), ancien ministre de l’Intérieur : « J’ai reçu une instruction du Premier ministre pour évacuer l’université

    Dans votre témoignage dans l’ouvrage Avril 80, vous avez évoqué un « autre canal » qui aurait donné l’ordre d’évacuer le centre universitaire de Tizi Ouzou en avril 1980. De qui s’agit-il exactement ?


    Une chose est sûre : la conférence que prévoyait de tenir Mouloud Mammeri a été annulée par les autorités locales. Le wali Hamid Sidi Saïd n’a donné aucune explication suite à cette décision qui n’avait pas lieu d’être. Ceux qui ont censuré l’écrivain ne connaissaient certainement pas ses écrits, car cet intellectuel n’avait d’autres intentions que de présenter la poésie kabyle ancienne au sein du centre universitaire. Quant au « canal » que vous venez de citer, je ne voulais viser personne, même aucune institution quelconque, hormis les autorités locales qui sont à l’origine de cette interdiction et du déclenchement de la protestation par les étudiants rejoints, par la suite, par les lycéens et la population.

    Comment s’est passée l’évacuation du centre universitaire de Tizi Ouzou ?

    Après l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri et la réaction des étudiants qui devenait de plus en plus ingérable, j’ai reçu une instruction de la part du Premier ministre (ndlr Mohamed Benahmed Abdelghani), avalisée par le président de la République, d’évacuer le centre universitaire de Tizi Ouzou. Conformément à la règle, j’ai pris attache avec le commissaire Naït Abdelaziz afin de lui recommander de passer à l’évacuation. Il faut dire que le commissaire n’était pas d’accord avec cette alternative, mais il devait exécuter quand même les ordres de sa hiérarchie. De mon côté, j’ai jugé judicieux d’envoyer des unités de la Compagnie nationale de sécurité (CNS), désarmées, afin d’éviter ce qu’on appréhendait, à savoir les morts. Pour superviser l’opération d’évacuation, j’ai tenu à être en communication permanente avec Naït Abdelaziz, car il y a eu des moments très délicats, notamment lorsque la population s’est solidarisée avec les étudiants à Draâ Ben Khedda. C’était une population complètement acquise à la rumeur. On parlait de morts et de viols, alors que rien n’a été prouvé, car les policiers ont su garder leur sang-froid en dépit de la manipulation dont faisaient l’objet les étudiants.

    « Parmi les points noirs de toute ma carrière, la question de la pratique de la torture continue d’interpeller ma conscience. Elle a été pratiquée de tout temps, et singulièrement durant le Printemps berbère et Octobre 88. Après les tortures d’avril 1980, dont j’ai été informé bien plus tard, j’ai veillé à en limiter les dégâts ». Dans ce passage que vous avez cité dans le livre en question, vous reconnaissez quand même la pratique de la torture en avril 1980…

    Lorsque j’ai employé ce terme, en l’occurrence « torture », je n’insinuais pas le système de la torture connue de la période coloniale, pratiquée avec la méthode de l’eau savonneuse et l’électricité. Ce que j’ai qualifié de torture, ce sont quelques dépassements de certains policiers contraints d’user de la violence afin de faire face à la colère des étudiants. La torture n’a jamais été pratiquée dans les locaux de la police. En revanche, ce que je regrette aujourd’hui, c’est l’interdiction de la conférence de Mammeri. On aurait pu discuter avec ce grand chercheur et lui exprimer nos craintes face aux idées subversives. Un second regret me ronge également, c’est le fait d’avoir fait part de mon témoignage dans l’ouvrage Avril 80, car la réaction des gens a été plus violente que je m’attendais.


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