LIVRES-TÉMOIGNAGES ET RÉCITS SUR LA GUERRE D’ALGÉRIE:«L’indépendance» des mémoires et «l’impérative» vérité
Comment faire la part des choses, séparer le vrai du faux ou encore comment déceler la vérité, «toute la vérité», dans tous les livres parus récemment sur la guerre d’Algérie, entre témoignages d’anciens combattants, des récits de guerre, des autobiographies, entre le souci de contribuer à l’écriture de l’histoire et le désir de «paraître» ?
L’écriture de l’histoire de l’Algérie passe certainement par la récolte d’informations, de documents d’époque, des témoignages, des récits notamment, par les historiens ainsi que par les acteurs directs de cette époque. Ces derniers ont le devoir de témoigner en toute objectivité, mettant de côté les sentiments qui pourront altérer certains faits. Les acteurs directs de la guerre d’Algérie, ceux encore en vie, sont une mémoire vivante et la sauvegarder est plus que nécessaire. Or, et en dépit de tout ce qui s’écrit et tout ce qui s’édite, l’histoire concernant cette époque spécifique vue surtout du côté algérien semble nous échapper encore. Il y a beaucoup de témoignages et de récits, pratiquement tous glorifiant cette époque, mettant en scène les acteurs (anciens combattants ou militants) dans des situations de héros, de protagonistes de cette lutte armée. Il ne s’agit pas ici de minimiser les actions de ces acteurs directs, mais d’essayer de comprendre, de tenter de distiller un peu toutes ces informations qui arrivent en vrac. Ces témoignages pour la plupart rejoignent l’histoire officielle et ne laissent pas place aux contradictions ni aux confrontations des idées. Il semble encore qu’il y a des lignes de démarcations à ne pas franchir. Au-delà de la véracité des faits et des lieux, des dates notamment, les témoignages racontent les premières heures de militantisme et les premiers pas dans la lutte armée. Certains livres plus que d’autres se distinguent par le style employé ou le travail sur la langue, très peu sur le contenu qui obéissent tous et pratiquement à la même objectivité «se dire», «se raconter» en premier lieu comme sujet principal et en toile de fond, la guerre d’Algérie, cela devait se faire sûrement ainsi puisque ce sont des témoignages autobiographiques mais il y a une terrible impression à la lecture de ces livres, une sensation de vide ou de limite ; l’on reste sur sa faim, car les écrits se ressemblent, des parcours exemplaires dans une guerre très propre, très fraternelle, très sacrée, très idéalisée ; ainsi, les émotions et les sentiments empêchent les objectivités. Cependant, certains livres donnent le ton et c’est déjà un premier pas vers une réelle écriture de l’histoire du pays, une écriture objective, dépasser l’idée d’une révolution divinisée, l’une des plus belles, sans conteste, l’une des plus héroïques certes, car l’ennemi était une grande puissance mais les choses évoluent autrement, et les faits doivent être remis dans leur contexte initial, évoquer les faits tel qu’ils se sont déroulés, il aurait fallu attendre quarante ans pour pouvoir évoquer la mort d’Abane Ramdane, parler de Melouza, de l’opération de la «bleuite», des dissidences au sein des groupes révolutionnaires, de l’entrée à l’indépendance des troupes de Boumediene à Alger, des luttes des frontières, etc. Cependant, certains livres permettent une certaine lecture de notre guerre d’indépendance.
Parcours d’un combattant de l’ALN d’Abdelmadjid Azzi
Abdelmadjid Azzi, ancien député, témoigne des faits qu’il a vécus lorsqu’il était combattant dans les rangs de l’Armée de libération nationale, dans les maquis puis dans la section médicale après avoir été blessé. Dans l’ouvrage sorti aux éditions Mille-Feuilles et préfacé par l’ancien ministre Kamel Bouchama, l’auteur écrit que «le contenu de ce modeste ouvrage pourrait être celui de tous les combattants et aussi celui de la population qui ont lutté et souffert en supportant tout le poids de la guerre face à un ennemi féroce et impitoyable qui, devant notre unité d’action, notre farouche détermination, notre foi inébranlable et l’ampleur du sacrifice consenti, n’a pas eu d’autre choix que celui d’accepter de s’asseoir à la table des négociations, comprenant enfin qu’on ne gagne jamais une guerre contre un peuple qui défend sa terre et son honneur...» C’est face à la famine découverte par ses yeux d’enfants qu’Abdelmadjid Azzi comprendra la détresse et l’injustice que vit son peuple, ce qui va le pousser à l’action armée. Azzi raconte le traumatisme de tout un peuple ; il revient lui aussi sur la terrible opération «La bleuite» et ses terribles conséquences sur la vie du maquis. Il est alors infirmier et découvre doublement l’horreur, celle des frères de combat torturés par d'autres frères de combat. Il met en lumière surtout l’un des aspects jugés «mineurs», car peu abordé, celui des unités médicales.
Parcours d’un militant de la Révolution de Mohamed Mechati
Le témoignage de Mohamed Mechati recueilli par Daho Djerbal est capital, vu que l’homme faisait partie du groupe des 22, plutôt des 21, corrigea-t- il dans ce texte, groupe historique qui avait pris la décision de passer à l’action armée, réuni clandestinement dans une maison à Clos Salembier. Le livre renferme des aspects de la Révolution connus et d’autres moins connus du grand public. Mechati est revenu sur le Parti communiste algérien, accusé d’avoir été opposé au mouvement national, d’être un «appendice du Parti communiste français», lequel était dirigé depuis Moscou. Il a aussi dénoncé les pratiques du MNA de Messali El-Hadj, accusé d’avoir «tenté de casser par les armes l’élan de la Révolution à l’intérieur comme en France», expliquant que «toutes les tentatives des dirigeants de la Révolution de faire rallier le fondateur de l’Etoile nord-africaine (ENA) au FLN, y compris en lui proposant le poste de dirigeant suprême ont été vaines», plus tard des militants messalistes et communistes avaient rejoint les rangs du FLN. Mohamed Mechati, né le 21 mars 1921, à Constantine a pris part à la Seconde Guerre mondiale avant d’être démobilisé en 1945, il intègre le Parti du peuple algérien (PPA), l’Organisation spéciale (OS), le (MTLD) et le CRUA. Il était responsable d’une zone dans l’Algérois sous l’autorité de Mohamed Boudiaf, avant d’être muté dans le Sud-Ouest.
Akfadou, un an avec le colonel Amirouche de Hamou Amirouche
Hamou Amirouche, secrétaire particulier du colonel Amirouche Aït Hamouda pendant l’année 1957-1958, révèle, selon lui, la véritable personnalité de l’homme d’Etat que fut son supérieur hiérarchique. L’auteur ne fait pas l’impasse sur certaines «erreurs» commises par le colonel Amirouche comme l’opération «La bleuite» des services psychologiques de l’armée française qui induit en erreur le commandement des Wilayas III et IV, et provoqua la suspicion au sein de leurs rangs avec l’exécution pour trahison de quelques centaines de maquisards dans les rangs de l’ALN en 1958. Faits qui ont été reprochés après l’indépendance au colonel Amirouche. Selon l’auteur, certains acteurs de la Révolution qui ont écrit sur le colonel Amirouche ne visent pas à établir la vérité mais à amoindrir l’impact de l’action de Si Amirouche sur la Révolution et sa stature d’homme d’Etat. Des erreurs tragiques ont eut lieu durant la Révolution, certes et s’agissant de la Wilaya III, Si Amirouche reconnut les siennes. Hamou Amirouche cite un extrait de son discours prononcé devant ses frères d’armes en parlant de «La bleuite» : «On dit que l’ALN commet des injustices. Non, l’ALN ne commet pas d’injustices. Mais elle commet des erreurs.»
Nassira Belloula
Le soir d'Algerie.
Comment faire la part des choses, séparer le vrai du faux ou encore comment déceler la vérité, «toute la vérité», dans tous les livres parus récemment sur la guerre d’Algérie, entre témoignages d’anciens combattants, des récits de guerre, des autobiographies, entre le souci de contribuer à l’écriture de l’histoire et le désir de «paraître» ?
L’écriture de l’histoire de l’Algérie passe certainement par la récolte d’informations, de documents d’époque, des témoignages, des récits notamment, par les historiens ainsi que par les acteurs directs de cette époque. Ces derniers ont le devoir de témoigner en toute objectivité, mettant de côté les sentiments qui pourront altérer certains faits. Les acteurs directs de la guerre d’Algérie, ceux encore en vie, sont une mémoire vivante et la sauvegarder est plus que nécessaire. Or, et en dépit de tout ce qui s’écrit et tout ce qui s’édite, l’histoire concernant cette époque spécifique vue surtout du côté algérien semble nous échapper encore. Il y a beaucoup de témoignages et de récits, pratiquement tous glorifiant cette époque, mettant en scène les acteurs (anciens combattants ou militants) dans des situations de héros, de protagonistes de cette lutte armée. Il ne s’agit pas ici de minimiser les actions de ces acteurs directs, mais d’essayer de comprendre, de tenter de distiller un peu toutes ces informations qui arrivent en vrac. Ces témoignages pour la plupart rejoignent l’histoire officielle et ne laissent pas place aux contradictions ni aux confrontations des idées. Il semble encore qu’il y a des lignes de démarcations à ne pas franchir. Au-delà de la véracité des faits et des lieux, des dates notamment, les témoignages racontent les premières heures de militantisme et les premiers pas dans la lutte armée. Certains livres plus que d’autres se distinguent par le style employé ou le travail sur la langue, très peu sur le contenu qui obéissent tous et pratiquement à la même objectivité «se dire», «se raconter» en premier lieu comme sujet principal et en toile de fond, la guerre d’Algérie, cela devait se faire sûrement ainsi puisque ce sont des témoignages autobiographiques mais il y a une terrible impression à la lecture de ces livres, une sensation de vide ou de limite ; l’on reste sur sa faim, car les écrits se ressemblent, des parcours exemplaires dans une guerre très propre, très fraternelle, très sacrée, très idéalisée ; ainsi, les émotions et les sentiments empêchent les objectivités. Cependant, certains livres donnent le ton et c’est déjà un premier pas vers une réelle écriture de l’histoire du pays, une écriture objective, dépasser l’idée d’une révolution divinisée, l’une des plus belles, sans conteste, l’une des plus héroïques certes, car l’ennemi était une grande puissance mais les choses évoluent autrement, et les faits doivent être remis dans leur contexte initial, évoquer les faits tel qu’ils se sont déroulés, il aurait fallu attendre quarante ans pour pouvoir évoquer la mort d’Abane Ramdane, parler de Melouza, de l’opération de la «bleuite», des dissidences au sein des groupes révolutionnaires, de l’entrée à l’indépendance des troupes de Boumediene à Alger, des luttes des frontières, etc. Cependant, certains livres permettent une certaine lecture de notre guerre d’indépendance.
Parcours d’un combattant de l’ALN d’Abdelmadjid Azzi
Abdelmadjid Azzi, ancien député, témoigne des faits qu’il a vécus lorsqu’il était combattant dans les rangs de l’Armée de libération nationale, dans les maquis puis dans la section médicale après avoir été blessé. Dans l’ouvrage sorti aux éditions Mille-Feuilles et préfacé par l’ancien ministre Kamel Bouchama, l’auteur écrit que «le contenu de ce modeste ouvrage pourrait être celui de tous les combattants et aussi celui de la population qui ont lutté et souffert en supportant tout le poids de la guerre face à un ennemi féroce et impitoyable qui, devant notre unité d’action, notre farouche détermination, notre foi inébranlable et l’ampleur du sacrifice consenti, n’a pas eu d’autre choix que celui d’accepter de s’asseoir à la table des négociations, comprenant enfin qu’on ne gagne jamais une guerre contre un peuple qui défend sa terre et son honneur...» C’est face à la famine découverte par ses yeux d’enfants qu’Abdelmadjid Azzi comprendra la détresse et l’injustice que vit son peuple, ce qui va le pousser à l’action armée. Azzi raconte le traumatisme de tout un peuple ; il revient lui aussi sur la terrible opération «La bleuite» et ses terribles conséquences sur la vie du maquis. Il est alors infirmier et découvre doublement l’horreur, celle des frères de combat torturés par d'autres frères de combat. Il met en lumière surtout l’un des aspects jugés «mineurs», car peu abordé, celui des unités médicales.
Parcours d’un militant de la Révolution de Mohamed Mechati
Le témoignage de Mohamed Mechati recueilli par Daho Djerbal est capital, vu que l’homme faisait partie du groupe des 22, plutôt des 21, corrigea-t- il dans ce texte, groupe historique qui avait pris la décision de passer à l’action armée, réuni clandestinement dans une maison à Clos Salembier. Le livre renferme des aspects de la Révolution connus et d’autres moins connus du grand public. Mechati est revenu sur le Parti communiste algérien, accusé d’avoir été opposé au mouvement national, d’être un «appendice du Parti communiste français», lequel était dirigé depuis Moscou. Il a aussi dénoncé les pratiques du MNA de Messali El-Hadj, accusé d’avoir «tenté de casser par les armes l’élan de la Révolution à l’intérieur comme en France», expliquant que «toutes les tentatives des dirigeants de la Révolution de faire rallier le fondateur de l’Etoile nord-africaine (ENA) au FLN, y compris en lui proposant le poste de dirigeant suprême ont été vaines», plus tard des militants messalistes et communistes avaient rejoint les rangs du FLN. Mohamed Mechati, né le 21 mars 1921, à Constantine a pris part à la Seconde Guerre mondiale avant d’être démobilisé en 1945, il intègre le Parti du peuple algérien (PPA), l’Organisation spéciale (OS), le (MTLD) et le CRUA. Il était responsable d’une zone dans l’Algérois sous l’autorité de Mohamed Boudiaf, avant d’être muté dans le Sud-Ouest.
Akfadou, un an avec le colonel Amirouche de Hamou Amirouche
Hamou Amirouche, secrétaire particulier du colonel Amirouche Aït Hamouda pendant l’année 1957-1958, révèle, selon lui, la véritable personnalité de l’homme d’Etat que fut son supérieur hiérarchique. L’auteur ne fait pas l’impasse sur certaines «erreurs» commises par le colonel Amirouche comme l’opération «La bleuite» des services psychologiques de l’armée française qui induit en erreur le commandement des Wilayas III et IV, et provoqua la suspicion au sein de leurs rangs avec l’exécution pour trahison de quelques centaines de maquisards dans les rangs de l’ALN en 1958. Faits qui ont été reprochés après l’indépendance au colonel Amirouche. Selon l’auteur, certains acteurs de la Révolution qui ont écrit sur le colonel Amirouche ne visent pas à établir la vérité mais à amoindrir l’impact de l’action de Si Amirouche sur la Révolution et sa stature d’homme d’Etat. Des erreurs tragiques ont eut lieu durant la Révolution, certes et s’agissant de la Wilaya III, Si Amirouche reconnut les siennes. Hamou Amirouche cite un extrait de son discours prononcé devant ses frères d’armes en parlant de «La bleuite» : «On dit que l’ALN commet des injustices. Non, l’ALN ne commet pas d’injustices. Mais elle commet des erreurs.»
Nassira Belloula
Le soir d'Algerie.