Les énormes moyens financiers et sécuritaires du royaume ont pu tuer dans l’œuf la contestation saoudienne, qui d’ailleurs ne réclamait pas la chute du régime, regrette le média de l’opposition.

Le chômage, les problèmes de logement, la pauvreté, la corruption, l’absence de liberté d’expression et les arrestations politiques sont les grands sujets qui agitent la société saoudienne. Mais une autre revendication est de plus en plus partagée : la participation politique. C’est ce que montre le grand nombre de signataires de la “pétition pour un Etat de droit”. Plus de 10 000 personnes l’ont signée après les révolutions en Tunisie et en Egypte. Le texte de cette pétition prend d’abord soin de féliciter le roi Abdallah bin Abdelaziz pour ses promesses de réformes, de justice et de lutte contre la corruption. Ainsi, les pétitionnaires montrent clairement qu’ils n’ont pas de velléités révolutionnaires, mais veulent simplement faire valoir leur point de vue. Toutefois, dans le fond, leurs revendications sont pour l’essentiel les mêmes que celles que l’on entend dans les autres pays arabes.
Ils réclament que le Conseil consultatif [Majlis Al-Choura] soit élu et doté de toutes les compétences d’un vrai Parlement, législatives et de contrôle de l’exécutif, ayant son mot à dire sur le budget de l’Etat et pouvant engager la responsabilité d’un ministre ou du Premier ministre. Cela implique que le poste de Premier ministre ne soit plus occupé par le roi, mais qu’il émane d’un vote de confiance au Parlement. Pour finir, ils demandent une réforme de la justice et des mesures contre la corruption.
La réaction du régime à ces demandes populaires a provoqué un choc. Pour l’essentiel, il s’est contenté de signifier à la population qu’il avait suffisamment de moyens financiers et sécuritaires pour ne pas en tenir compte. D’une part, il a mobilisé près de 90 milliards d’euros pour financer des hausses de salaire, des programmes de logements et la création de plus de 60 000 postes dans la police et l’armée. Il a également renforcé le Conseil [religieux] des grands oulémas, allié du régime, et attribué de nouveaux moyens aux centres de prédication et à la Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice [police religieuse].
D’autre part, le régime a déployé un impressionnant dispositif sécuritaire ¬dans les rues, encerclant les endroits ¬stratégiques et renforçant la surveillance partout afin de contrer les appels à manifester. Le dispositif était tel que personne n’avait alors osé manifester dans la rue, à l’exception du jeune Khaled Al-Johani. Celui-ci a eu le temps d’accorder un entretien à la BBC [en avril], puis il a disparu dans une prison. Ce jour-là marque toutefois une date charnière dans l’histoire récente du royaume. Pour la première fois, on était face à l’hypothèse d’un vaste mouvement populaire tel qu’on en a vu dans les autres pays de la région. Si ce scénario n’a pas eu lieu, cela s’explique notamment par le fait qu’on ne savait pas d’où émanait l’appel à manifester [beaucoup soupçonnaient une opération confessionnelle chiite, voire un piège du régime]. De même, il n’y a pas de partis d’opposition qui pourraient lancer un tel mouvement. Par ailleurs, dans l’esprit des Saoudiens, le spectacle d’une manifestation de rue est associé à la demande de chute du régime, demande qui n’existe pas sous cette forme en Arabie. Finalement, si personne n’a manifesté, c’est aussi parce qu’on savait très bien ce qui attendait celui qui l’aurait osé.
Ainsi, le régime a pu dire, le lendemain, que tout allait bien. Toutefois, il a mal posé le problème. La question n’était pas de savoir si les gens descendraient dans la rue, mais pourquoi ils pourraient être tentés de le faire. Car la population a des griefs contre le régime et il le sait bien. Or, comme il se pose les mauvaises questions, il donne également de mauvaises réponses.
Quelque chose comme 12 000 prisonniers croupissent dans les prisons saoudiennes sans avoir bénéficié de procès équitables – la plupart à la suite des violences que nous avons connues pendant vingt ans [essentiellement de la part d’islamistes]. D’autres ont pour seul tort d’avoir exprimé leur opinion sur la gouvernance du pays. De même, le ministère de l’Intérieur a réduit à néant le peu de liberté d’expression qui pouvait exister dans la presse ces dernières années. Les affaires de corruption n’ont pas été traitées comme il fallait, malgré les coups de menton du gouvernement. Bref, l’Etat continue de gérer des problèmes ¬toujours plus importants avec une mentalité d’antan.
Autour de nous, dans le monde arabe, tout change et il faudrait chez nous aussi engager des réformes. L’actuelle génération de dirigeants aurait la légitimité de le faire [les trois frères : le roi Abdallah, 86 ans, le prince héritier Sultan, 83 ans, et le second prince héritier Nayef, 77 ans]. Or l’avenir paraît incertain et lourd de menaces. La peur que cela inspire n’est pas seulement justifiée et légitime, elle découle qui plus est d’une envie de participation politique.
Source/ courrier international.com- du 05.10.2011

Le chômage, les problèmes de logement, la pauvreté, la corruption, l’absence de liberté d’expression et les arrestations politiques sont les grands sujets qui agitent la société saoudienne. Mais une autre revendication est de plus en plus partagée : la participation politique. C’est ce que montre le grand nombre de signataires de la “pétition pour un Etat de droit”. Plus de 10 000 personnes l’ont signée après les révolutions en Tunisie et en Egypte. Le texte de cette pétition prend d’abord soin de féliciter le roi Abdallah bin Abdelaziz pour ses promesses de réformes, de justice et de lutte contre la corruption. Ainsi, les pétitionnaires montrent clairement qu’ils n’ont pas de velléités révolutionnaires, mais veulent simplement faire valoir leur point de vue. Toutefois, dans le fond, leurs revendications sont pour l’essentiel les mêmes que celles que l’on entend dans les autres pays arabes.
Ils réclament que le Conseil consultatif [Majlis Al-Choura] soit élu et doté de toutes les compétences d’un vrai Parlement, législatives et de contrôle de l’exécutif, ayant son mot à dire sur le budget de l’Etat et pouvant engager la responsabilité d’un ministre ou du Premier ministre. Cela implique que le poste de Premier ministre ne soit plus occupé par le roi, mais qu’il émane d’un vote de confiance au Parlement. Pour finir, ils demandent une réforme de la justice et des mesures contre la corruption.
La réaction du régime à ces demandes populaires a provoqué un choc. Pour l’essentiel, il s’est contenté de signifier à la population qu’il avait suffisamment de moyens financiers et sécuritaires pour ne pas en tenir compte. D’une part, il a mobilisé près de 90 milliards d’euros pour financer des hausses de salaire, des programmes de logements et la création de plus de 60 000 postes dans la police et l’armée. Il a également renforcé le Conseil [religieux] des grands oulémas, allié du régime, et attribué de nouveaux moyens aux centres de prédication et à la Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice [police religieuse].
D’autre part, le régime a déployé un impressionnant dispositif sécuritaire ¬dans les rues, encerclant les endroits ¬stratégiques et renforçant la surveillance partout afin de contrer les appels à manifester. Le dispositif était tel que personne n’avait alors osé manifester dans la rue, à l’exception du jeune Khaled Al-Johani. Celui-ci a eu le temps d’accorder un entretien à la BBC [en avril], puis il a disparu dans une prison. Ce jour-là marque toutefois une date charnière dans l’histoire récente du royaume. Pour la première fois, on était face à l’hypothèse d’un vaste mouvement populaire tel qu’on en a vu dans les autres pays de la région. Si ce scénario n’a pas eu lieu, cela s’explique notamment par le fait qu’on ne savait pas d’où émanait l’appel à manifester [beaucoup soupçonnaient une opération confessionnelle chiite, voire un piège du régime]. De même, il n’y a pas de partis d’opposition qui pourraient lancer un tel mouvement. Par ailleurs, dans l’esprit des Saoudiens, le spectacle d’une manifestation de rue est associé à la demande de chute du régime, demande qui n’existe pas sous cette forme en Arabie. Finalement, si personne n’a manifesté, c’est aussi parce qu’on savait très bien ce qui attendait celui qui l’aurait osé.
Ainsi, le régime a pu dire, le lendemain, que tout allait bien. Toutefois, il a mal posé le problème. La question n’était pas de savoir si les gens descendraient dans la rue, mais pourquoi ils pourraient être tentés de le faire. Car la population a des griefs contre le régime et il le sait bien. Or, comme il se pose les mauvaises questions, il donne également de mauvaises réponses.
Quelque chose comme 12 000 prisonniers croupissent dans les prisons saoudiennes sans avoir bénéficié de procès équitables – la plupart à la suite des violences que nous avons connues pendant vingt ans [essentiellement de la part d’islamistes]. D’autres ont pour seul tort d’avoir exprimé leur opinion sur la gouvernance du pays. De même, le ministère de l’Intérieur a réduit à néant le peu de liberté d’expression qui pouvait exister dans la presse ces dernières années. Les affaires de corruption n’ont pas été traitées comme il fallait, malgré les coups de menton du gouvernement. Bref, l’Etat continue de gérer des problèmes ¬toujours plus importants avec une mentalité d’antan.
Autour de nous, dans le monde arabe, tout change et il faudrait chez nous aussi engager des réformes. L’actuelle génération de dirigeants aurait la légitimité de le faire [les trois frères : le roi Abdallah, 86 ans, le prince héritier Sultan, 83 ans, et le second prince héritier Nayef, 77 ans]. Or l’avenir paraît incertain et lourd de menaces. La peur que cela inspire n’est pas seulement justifiée et légitime, elle découle qui plus est d’une envie de participation politique.
Source/ courrier international.com- du 05.10.2011