Après des travaux universitaires sanctionnés par un colloque et une journée d’études à Paris sur l’histoire des harkis dans la colonisation et ses suites, un ouvrage vient de paraître. Il pose les jalons d’une meilleure compréhension de ce phénomène de la guerre de Libération nationale.Fatima Besnaci-Lancou et Benoit Falaize nous expliquent pourquoi ce premier élagage était nécessaire.
-S’il y avait au moins un enseignement à tirer du colloque «Les harkis, histoire, mémoire et transmission», quel serait-il ?
Fatima Besnaci-Lancou : S’il n’y a qu’un seul enseignement à tirer, ce serait celui de continuer à travailler. La question des supplétifs pendant la guerre d’Algérie est encore à labourer par les historiens et pas seulement par ceux des deux pays directement concernés.
Benoit Falaize : Nous en sommes au début. La route est encore longue pour dire l’histoire, transmettre cet événement historique dans les règles de rigueur historienne de manière à casser les stéréotypes tenaces et mutilants pour l’esprit.
-Parmi les interventions, quel a été l’élément avancé qui vous a paru le plus novateur ?
F. B.-L. : La partie pédagogie est la plus novatrice et, me semble-t-il, jamais traitée en colloque scientifique. Mais, également, Laure Pitti, qui apporte des informations très précises sur la gestion très particulière de ce groupe de personnes considérées pendant longtemps comme des étrangères. Lydia Aït Sadi, aussi, pour son éclairage sur la place de l’histoire des harkis dans les manuels scolaires d’histoire algériens.
B. F. : La question des raisons de «l’engagement» (si tant est que l’on puisse, pour tous les harkis, parler d’engagement), c’est à mon sens le plus neuf. C’est-à-dire la variété des raisons qui font qu’à un moment un homme, une famille rencontrent la grande Histoire en train de se faire, dans ses enjeux les plus complexes et qui le dépassent parfois tout à fait. La conjonction entre misère sociale, aliénation coloniale et peur me semble fondamentale.
-Un tel colloque ne peut pas ne pas avoir de suites. Sur quelles pistes les travaux vous mènent-ils désormais?
F. B.-L. : Travailler pour faire reconnaître à l’histoire ce pouvoir critique qui permet de vivre une expérience de vérité. Et même de liberté. Une pensée d’avenir en d’autres termes. Peut-être ce genre de colloque en Algérie ? Beaucoup d’Algériens le souhaitent. Pourquoi pas en 2012 pour le 50e anniversaire de l’indépendance, et du départ précipité, vers la France, de dizaines de milliers de «ses paysans».
B. F. : La part d’histoire commune que représente non seulement la guerre d’Algérie mais aussi l’ensemble du processus colonial reste inépuisable à ce jour. C’est de part et d’autre de la Méditerranée, dans des colloques communs, des projets de livres communs, des manuels scolaires communs que nous pourront dire ce qui nous fonde collectivement, ce qui relève de notre histoire commune et qui fait que des Français et des Algériens pourront enfin parler avec un «nous» fondé sur une histoire commune connue, reconnue, sans tabou, apaisée et fraternelle.
-Avez-vous l’impression que le dossier «harki» est mieux cerné suite à vos travaux ?
F. B.-L. : Il a sans doute un peu avancé. Les chercheurs ont malheureusement des limites d’ordre matériel, dont certaines archives non accessibles en France, mais aussi en Algérie. En France, nous avons eu aussi notre heure «d’histoire officielle» avec l’article 4 de la loi du 23 février 2005, aujourd’hui abrogé grâce à une pression de la société civile. Les Algériens devraient mener le même combat pour se réapproprier leur histoire, dont celle des harkis, qui est aussi leur histoire !
B. F. : L’avantage de la recherche en histoire, c’est qu’elle est sans fin. Il reste beaucoup à faire, beaucoup d’archives à ouvrir, de papiers personnels à lire et comprendre.Par ailleurs, la compréhension de l’univers scolaire français, comme algérien, mérite des enquêtes de plus grande envergure afin de bien mesurer comment, dans l’intimité d’une classe, les élèves s’approprient des savoirs liés à cette question d’histoire encore sensible.
* «Les harkis, histoire, mémoire et transmission», sous la direction de Fatima Besnaci-Lancou, Benoit Falaize, et Gilles Manceron, 222 pages, Editions de l’Atelier, Paris 2010.
El watan.
-S’il y avait au moins un enseignement à tirer du colloque «Les harkis, histoire, mémoire et transmission», quel serait-il ?
Fatima Besnaci-Lancou : S’il n’y a qu’un seul enseignement à tirer, ce serait celui de continuer à travailler. La question des supplétifs pendant la guerre d’Algérie est encore à labourer par les historiens et pas seulement par ceux des deux pays directement concernés.
Benoit Falaize : Nous en sommes au début. La route est encore longue pour dire l’histoire, transmettre cet événement historique dans les règles de rigueur historienne de manière à casser les stéréotypes tenaces et mutilants pour l’esprit.
-Parmi les interventions, quel a été l’élément avancé qui vous a paru le plus novateur ?
F. B.-L. : La partie pédagogie est la plus novatrice et, me semble-t-il, jamais traitée en colloque scientifique. Mais, également, Laure Pitti, qui apporte des informations très précises sur la gestion très particulière de ce groupe de personnes considérées pendant longtemps comme des étrangères. Lydia Aït Sadi, aussi, pour son éclairage sur la place de l’histoire des harkis dans les manuels scolaires d’histoire algériens.
B. F. : La question des raisons de «l’engagement» (si tant est que l’on puisse, pour tous les harkis, parler d’engagement), c’est à mon sens le plus neuf. C’est-à-dire la variété des raisons qui font qu’à un moment un homme, une famille rencontrent la grande Histoire en train de se faire, dans ses enjeux les plus complexes et qui le dépassent parfois tout à fait. La conjonction entre misère sociale, aliénation coloniale et peur me semble fondamentale.
-Un tel colloque ne peut pas ne pas avoir de suites. Sur quelles pistes les travaux vous mènent-ils désormais?
F. B.-L. : Travailler pour faire reconnaître à l’histoire ce pouvoir critique qui permet de vivre une expérience de vérité. Et même de liberté. Une pensée d’avenir en d’autres termes. Peut-être ce genre de colloque en Algérie ? Beaucoup d’Algériens le souhaitent. Pourquoi pas en 2012 pour le 50e anniversaire de l’indépendance, et du départ précipité, vers la France, de dizaines de milliers de «ses paysans».
B. F. : La part d’histoire commune que représente non seulement la guerre d’Algérie mais aussi l’ensemble du processus colonial reste inépuisable à ce jour. C’est de part et d’autre de la Méditerranée, dans des colloques communs, des projets de livres communs, des manuels scolaires communs que nous pourront dire ce qui nous fonde collectivement, ce qui relève de notre histoire commune et qui fait que des Français et des Algériens pourront enfin parler avec un «nous» fondé sur une histoire commune connue, reconnue, sans tabou, apaisée et fraternelle.
-Avez-vous l’impression que le dossier «harki» est mieux cerné suite à vos travaux ?
F. B.-L. : Il a sans doute un peu avancé. Les chercheurs ont malheureusement des limites d’ordre matériel, dont certaines archives non accessibles en France, mais aussi en Algérie. En France, nous avons eu aussi notre heure «d’histoire officielle» avec l’article 4 de la loi du 23 février 2005, aujourd’hui abrogé grâce à une pression de la société civile. Les Algériens devraient mener le même combat pour se réapproprier leur histoire, dont celle des harkis, qui est aussi leur histoire !
B. F. : L’avantage de la recherche en histoire, c’est qu’elle est sans fin. Il reste beaucoup à faire, beaucoup d’archives à ouvrir, de papiers personnels à lire et comprendre.Par ailleurs, la compréhension de l’univers scolaire français, comme algérien, mérite des enquêtes de plus grande envergure afin de bien mesurer comment, dans l’intimité d’une classe, les élèves s’approprient des savoirs liés à cette question d’histoire encore sensible.
* «Les harkis, histoire, mémoire et transmission», sous la direction de Fatima Besnaci-Lancou, Benoit Falaize, et Gilles Manceron, 222 pages, Editions de l’Atelier, Paris 2010.
El watan.