Le décret pour l’application de la loi française relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français a totalement exclu les Algériens, a affirmé, hier, à Alger l’avocate Fatima Benbraham, lors d’une conférence qu’elle a animée au forum du quotidien El Moudjahid.
Elle a précisé que ledit décret n’a, à aucun moment, fait référence aux Algériens. Ils sont tout simplement exclus de la loi dite Morin, a-telle enchaîné, soulignant que cette dernière évoque uniquement des civils et des militaires ayant exercé en Algérie entre le 13 janvier 1960 et le 31 décembre 1967.
L’avocate a expliqué que par cette procédure, la loi Morin a mis dialectiquement dans le temps la période qui intéresse la France. Citant quelques articles venant en contradiction avec la réalité de l’histoire, elle a également relevé que le gouvernement français a déterminé la zone concernée par cette loi, tout en excluant la région habitée par les Algériens. S’appuyant sur un rapport militaire français de 256 pages, classé « top secret », dont elle a reçu une copie, Me Benbraham a relevé la présence au moment des essaies nucléaires de quelque 40 000 habitants, entre sédentaires et nomades, éparpillés par communautés d’au moins 500 personnes, séparées par une dizaine de kilomètres l’une de l’autre.
Pour elle, ce rapport vient en contradiction avec les déclarations officielles des différents responsables français selon lesquelles les régions où les essais nucléaires français avaient eu lieu ne connaissaient aucune espèce de vie. Dans ce cadre, l’avocate a indiqué que le document secret indique que le gouvernement ne doit pas être informé et qu’aucune note ou instruction ne doit être écrite.
Elle a évoqué l’article 3 de cette loi, relatif à la composition du comité d’indemnisation, composé d’un président qui doit être conseiller d’État ou conseiller à la Cour de cassation, assisté d’un vice-président, de deux personnalités désignées par le ministre de la Défense, de deux personnalités désignées par le ministre de la Santé. Le secrétariat du comité est assuré par les services du ministère de la Défense. Comment voulez-vous qu’un Algérien, atteint de maladies causées par des essais nucléaires puisse, à titre individuel, se déplacer dans un autre État pour déposer sa demande, s’est-elle interrogée. Par ailleurs, le Comité Reconnaissance, indemnisation et mémoire des essais nucléaires français au Sahara algérien a lancé samedi à Alger, une pétition pour la reconnaissance et la réparation des conséquences des essais nucléaires français en Algérie sur la santé et sur l’environnement par l’indemnisation des victimes, la réhabilitation et la sécurisation des sites d’essais. Les premiers signataires de cette pétition, dont des journalistes, des chercheurs et des avocats espèrent atteindre un million et demi de signatures. Ils appellent la France, 50 années après son premier essai, à reconnaître cette situation et à prendre ses responsabilités en mettant en oeuvre les revendications légitimes des victimes algériennes des essais nucléaires français au Sahara algérien.
Le Comité exige, l’ouverture des archives des essais nucléaires français au Sahara algérien, encore classées secret défense et qui seraient devenues incommunicables depuis 2008. Se prononçant au nom des premiers signataires, le chercheur en génie nucléaire, Amar Mansouri, a appelé, lors du forum d’El- Moudjahid consacré à l’état d’avancement du dossier des essais nucléaires français en Algérie, à la mise en place d’une commission mixte d’évaluation et de suivi des conséquences sanitaires et environnementales, travaillant en toute transparence. Le Comité exhorte l’État français à la création de fonds pour l’indemnisation et le suivi médical des victimes algériennes d’une part, et la réhabilitation et la sécurisation des trois sites d’essai au Sahara et la gestion des déchets radioactifs générés par les essais, d’autre part. Il a, par ailleurs, tenu à apporter son soutien à l’Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) et l’association «Moruroa et tatou» dans leur combat pour une juste indemnisation des différentes victimes des essais nucléaires français au Sahara algérien et en Polynésie française.
Sofiane Habarek ( le courrier d'algerie)