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IL CONSTITUE LE SOCLE DU SYSTÈME DE GESTION DES DOCUMENTS BIOMÉTRIQUES
Le groupe américain Cogent Systems a remporté les marchés des systèmes civil et criminel d’indentification des empreintes (Afis). La mise en œuvre de ce projet permettra de compléter l’infrastructure de base pour la réalisation du passeport et de la carte d’identité électroniques biométriques. Depuis son lancement en 2005, les entreprises algériennes ont été systématiquement écartées du processus de sélection de ce marché très sensible.
Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Le marché relatif à l’acquisition de systèmes civil et criminel informatisés de recueil, de centralisation, de traitement et d’identification des empreintes digitales (Afis) au profit du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales et de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) a finalement été remporté par le groupe américain Cogent Systems. Cogent, qui a fait une proposition globale de 15 millions d’euros, a damé le pion au français Sagem Sécurité et au japonais NEC. Ces trois opérateurs étaient en lice dans le cadre de ce marché de gré à gré après consultation restreinte. Cogent est bien connue des autorités algériennes puisqu’elle a réalisé, au début des années 2000, le système Afis de la Gendarmerie nationale, un équipement utilisé depuis plusieurs mois par le ministère de l’Intérieur pour capturer les empreintes digitales et les données des demandeurs de passeport électronique biométrique (PEB). Avant tout, il est utile de revenir sur le rôle et la configuration de ce système. L’Afis criminel, d’abord, qui est considéré comme la partie la plus sensible du projet car elle permettra à la DGSN de capturer et de ficher les empreintes digitales de tout individu pris en charge par ses structures. La police algérienne pourra ainsi constituer son propre fichier d’identification criminelle, un outil qui lui fait grandement défaut ces dernières années. La seconde partie du projet consiste en la mise en œuvre de l’Afis civil. Celui-ci permettra de saisir les empreintes et les données personnelles des demandeurs de passeport et de carte nationale d’identité. Il sera ensuite étendu à la procédure d’octroi de permis de conduire, de carte grise et de visa (pour les étrangers). L’ensemble des modules de cette infrastructure (Afis civil et Afis DGSN et Gendarmerie nationale) devront être interconnectés pour permettre à l’ensemble des institutions concernées d’accéder à ces données. Plusieurs structures officielles auront accès à ces données : les daïras, les consulats d’Algérie à l’étranger ainsi que les unités relevant de la Gendarmerie nationale et celle de la DGSN, dont la Police algérienne des frontières.
Guerre d’intérêts
En fait, depuis son lancement en 2005, le marché de l’Afis civil et criminel du ministère de la l’Intérieur et de la DGSN a été au centre d’une véritable guerre d’intérêts qui a opposé plusieurs opérateurs. Au-delà de l’aspect financier, les enjeux pour la mise en œuvre de ce système sont surtout d’ordre sécuritaire. Dans un câble diplomatique rédigé le 12 janvier 2010 par l’ambassadeur des Etats-Unis à Alger suite à une entrevue avec le ministre algérien des Affaires étrangères, le diplomate américain a qualifié le projet Afis de «contrat sécuritaire politiquement sensible». «Les entreprises américaines sont également en compétition pour des contrats de sécurité politiquement sensibles. Cogent, une société américaine de biométrie, est sur le point de signer un contrat pour fournir au ministère de l'Intérieur un système d'identification automatique des empreintes digitales, mais fait face à une concurrence forte de la France (…) Le contrat Cogent a des implications importantes sur les intérêts commerciaux et sécuritaires américains», notait alors David D. Pearce dans ce document mis en ligne récemment par le site WikiLeaks.
L’énigme Sagem Algérie
De son côté, le français Sagem Sécurité n’a ménagé aucun effort pour décrocher ce marché. Il est allé jusqu’à sacrifier son partenaire local Sagem Algérie pour les technologies avancées, une entreprise de droit et de capitaux algériens spécialisée dans les nouvelles technologies. En fait, cette entreprise algérienne avait remporté, en 2006, le premier avis d’appel d’offres lancé par la DGSN pour l’acquisition d’un système Afis criminel. A l’époque, Sagem Algérie, qui était liée par un contrat de partenariat d’exclusivité avec le groupe Sagem, avait proposé un montant 35% inférieur à celui présenté dernièrement par Cogent. Et totalement payable en dinars algérien. Mais le contrat de l’Afis ne lui sera jamais octroyé, le processus ayant été bloqué par la DGSN pour des raisons qui restent aujourd’hui encore obscures. Il semble que cette entreprise ait finalement joué le rôle de «bélier» puisque, une fois définitivement écartée, son partenaire a soumissionné en son nom propre pour tenter de décrocher ce marché. Marginalisée, Sagem Algérie n’a eu d’autre choix que de saisir la justice pour obtenir gain de cause. Après avoir été déboutée par le tribunal de Sidi M’hamed, Sagem Algérie aurait décidé de porter l’affaire devant la Cour d’Alger.
Algérie Télécom exclue
L’opérateur Algérie Télécom a tenté, lui aussi, de décrocher le contrat de réalisation des Afis criminel et civil. Liée par un contrat de partenariat avec le groupe américain L-1 Identity Solutions, considéré comme le leader mondial de la biométrie, AT a participé à l’avis d’appel d’offres N°02/2009. Cependant, l’opérateur public n’a même pas pu faire jouer le principe de la préférence auprès des responsables du projet au ministère de l’Intérieur. En effet, au mois de janvier 2010, ce ministère décide d’annuler l’avis d’appel d’offre N° 02/2009 et opte pour la formule de gré à gré après consultation restreinte. Cogent, Sagem et NEC figurent sur la shortlist. Algérie Télécom en sera exclue. Une situation plutôt étrange au vu de la sensibilité de ce projet.
Oberthur & co
Mais dans ce méga-projet intégré qui comprend les Afis et le marché de réalisation du passeport et de la carte électroniques biométriques, chacun aura eu sa part du gâteau. L’américain Cogent a eu l’ensemble des systèmes d’indentification et les français Oberhur, Fasver et Keynectis ont pris ceux consacrés à la réalisation du document de voyage et de la protection des données des citoyens algériens. Reste à savoir si les responsables en charge de ce dossier au niveau du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales ont pris les dispositions nécessaires pour sécuriser et protéger la vie privée de millions d’Algériens. D’autant plus que du côté français, il subsiste de nombreuses zones d’ombre. Connaîtra-t-on un jour les conditions dans lesquelles Oberthur a réussi à fournir de grandes quantités de livrets de passeports biométriques ? Cette entreprise, qui semble avoir joué un rôle pivot, a décroché le marché du cryptage des données (PKI) puis l’a confié à Keynectis, une entité créée et gérée par le secrétariat français à la Défense. Idem pour Fasver, une petite PME qui a été chargée de réaliser le laminat du passeport. Sous d’autres cieux, pour des raisons évidentes de souveraineté, la production de ce film protecteur est du ressort exclusif d’institutions publiques. Il ne reste plus qu’à espérer que l’ensemble de ce système pourra permettre à l’Algérie de répondre aux exigences internationales en dotant ses citoyens de documents de voyage fiables et sécurisés.
source : le soir d'Algérie