De violents affrontements ont opposé ce lundi 30 mai les forces de l'ordre aux vendeurs informels installés de la Place des Martyrs (Alger) jusqu'au marché appelé Zoudj Ayoun, situé à proximité de la Direction générale de la sécurité nationale (DGSN) à Bab El Oued. Pour délocaliser les marchands informels, les forces de l'ordre se sont installées tôt dans la matinée tout le long de la place. « Ils sont venus vers sept heures et demie du matin. Il n'y avait pas beaucoup de vendeurs. Quelques temps après, les affrontements ont commencé », raconte Omar, un habitant du quartier.
Des blessés ont été enregistrés et plusieurs arrestations effectuées tandis que des marchandises ont été saisies. Mais les commerçants informels ne veulent pas céder. « Vous verrez, demain ils s'installeront à six heures du matin avant la police et ça va être pire qu'hier », assure un commerçant rencontré à la place des Martyrs quelques heures après les événements qui ont secoué son quartier.
Les agents de l'ordre, qui se sont installés tout le long de la rue, d'habitude squattée par les marchands informels, l'avaient quitté vers 17 h 30. Trois marchands se sont réinstallés pour une heure ou deux, histoire de rentabiliser leur journée. « Je n'étais pas avec eux ce matin », lance prudemment Abdou. Avant de préciser : « mais c'est tout de même injuste. On ne m'a pas appris à voler. Je viens de Mila mais j’ai une carte nationale et les mêmes droits que les gens d'ici, j'ai le droit de travailler ici ».
Omar, un commerçant algérois semble être d'accord avec Abdou. « Si l'État leur offrait de l'emploi, s'il y avait une allocation chômage, si les bureaux de l'emploi fonctionnaient normalement, l'informel ne se serait pas développé ainsi », explique‑t‑il. Les deux commerçants rappellent les déclarations de hauts responsables lues dans les journaux et entendues à la radio ou à la télévision nationale après les émeutes meurtrières de janvier dernier. « Ils (les pouvoirs publics ndlr) ont laissé faire ces vendeurs après les émeutes de janvier et avec tout ce qui se passe en Tunisie et en Égypte, même les responsables ne disaient pas qu'ils étaient contre et maintenant ils veulent les déloger », poursuit Omar.
Certains propriétaires de magasins de la Place de Martyrs affirment comprendre la détresse de ces jeunes dont le nombre ne cesse d'augmenter ces dernières années. « Je comprends certains jeunes qui sont vraiment dans la détresse mais pas tous. Il y a de nombreux voyous ici », affirme Karim, un habitant de la rue de la Lyre. Pour lui, nombre de ces jeunes se sont transformés en petits caïds faisant régner la terreur parmi les habitants. « Moi par exemple, je n'ai pas le droit de stationner ma voiture devant chez moi. Il y a toujours quelqu'un qui vient m'ordonner de la déplacer, parce qu'il loue cette place justement à d'autres jeunes entre 15 000 et 20 000 dinars. Une place qui ne dépasse pas les deux mètres. Et si quelqu'un insiste et laisse sa voiture, ils vont la lui casser. Ils ont tabassé un père de famille devant sa femme et ses enfants », s'offusque‑t‑il.
« Ici on entend souvent parler d'un voisin mort parce que l'ambulance n'est pas arrivée à temps à cause de ces marchands installés même au milieu de la route. Des femmes qui accouchent aussi dans des ambulances. C'est une chose que vous ne devez pas défendre », raconte‑t‑il. Ce phénomène devrait être absolument éradiqué, insiste‑t‑il, mais pas sans trouver une solution à tous ces jeunes. Les descentes des services de sécurité pour les délocaliser par la force ne serviront à rien, selon lui. « Ils squatteront d'autres quartiers, ils l'ont déjà fait, ce n'est pas la première fois », rappelle‑t‑il.
TSA.