Venu à l’âge de 25 ans pour un service civil, il est resté 42 ans
“L’Abbé Pierre” algérien vient de nous quitter
Par : Outoudert Abrous
Lu : (7846 fois)
De son Saint-Jean-de-Luz, village côtier du pays basque, il est venu dans les années 70, effectuer un service civil caritatif en Algérie.
À Belcourt, au 41 Boulevard Nécira-Nounou, et c’est là que je l’ai connu, dans sa paroisse dirigée par l’abbé Scotto, une association de quartier s’y était installée pour donner des cours du soir, à titre bénévole, aux enfants de Belcourt. Il en était le directeur, mais balayait après les classes. Ammi Ramdane ne cessait pas de le taquiner, et Niaf, l’ours blanc, essayait en vain de lui arracher des mains ce foutu balai. Étudiant, je donnais des cours de français en échange d’une chambre. Le dimanche, Tahar Djaout venait nous voir et on parlait de l’Algérie et de l’Algérie. Qu’il aimait comme on aime un premier amour.
Il m’a connu célibataire, il a été témoin de mon mariage. Il a fait visité le château de Versailles à ma fille dans sa poussette, elle a aujourd’hui 30 ans. Elle a fait ses premiers pas chez lui, puis s’est abonnée à la bibliothèque de médecine à la rue Zabana, vingt ans après.
Après la fermeture de l’école de rattrapage de Belcourt, Pierre Laffitte est parti enseigné à Mahdia, dans la wilaya de Tiaret, les mathématiques. Deux ans après, il a travaillé à la bibliothèque du CCU, à la rue Hamani (ex-rue Charras), avec Carmen qui nous gavait de lait au chocolat avant de rejoindre l’amphithéâtre d’en face et affronter Benachenou ou un autre prof.
Ensuite, il s’est consacré corps et âme à la bibliothèque de médecine de la rue Zabana. Il se faisait acheter par des âmes charitables un exemplaire de livre qu’il
reproduisait à souhait sur sa photocopieuse inusable pour ses étudiants, aujourd’hui professeurs de médecine. La dernière fois que je l’ai vu, il y a exactement une année, il m’a avoué qu’il connaissait 56 professeurs et maîtres assistants qui sont passés chez lui, et qu’il a été invité au mariage de 34 d’entre eux.
Le temps passe vite. Je l’ai invité pour une réception le 28 novembre, c'est-à-dire dimanche dernier. Il n’est pas venu. Il était hospitalisé. Et il vient de nous quitter. Repose en paix. Pierre.
Libérté.